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A propos du livre

 

Il n’a pas pu voir le monde sans avoir visité deux fois l’Egypte, sans avoir fait un voyage à travers la Hollande, car il a un faible pour Keukenhof et Amsterdam, Piet Oudolf et Marcel Wanders, pour la peinture d’Averkamp et la cuisine indonésienne. Il a eu assez de temps pour faire une promenade en train à travers l’Allemagne, et aller voir la Provence sans rien y avoir fait, il a visité aussi l’exposition  à Chaumont et ayant puisé un tas d’idées, il était en train de partir pour l’Amérique, mais se contenta de la chaleur de Moscou qui le faisait se sauver dans un grand coffre-fort. Il lui tardait de prendre un bateau-mouche de la Moscova, mais la voix de la raison a chassé ce désir. Ce n’est pas que chaque manuscrit peut se vanter de l’expérience de tant de voyages et c’est peut-être parce qu’il vivait longtemps sa vie à lui-même en me faisant de temps en temps une allusion qu’il est déjà temps de passer de l’état de manuscrit en un autre état d’une qualité plus sérieuse. Mais toute chose a son temps. « Le livre doit être las... il se refuse à continuer son activité tant que ses forces et son intérêt à l’affaire ne se raniment après le repos », - disait  Mark Twain.

 

Bien sûr il souffrait de ce que je l’écrivais non pas si vite comme je le voulais, par morceaux, d’une manière irrégulière, de ce qu’un bloc-notes ne lui était pas réservé ou même un seul feutre noir qu’utilise Tarantino et pour qui c’est une création sacrée. Quand il a l’intention d’écrire un scénario  il va au magasin et y achète un bloc-notes de 80-100 pages, trois feutres rouges et trois feutres noirs en faisant de tout cela un grand rituel. « Je dis toujours qu’on ne peut pas  faire des vers en utilisant l’ordinateur, mais mon bloc-notes est toujours sur moi et je peux faire des vers dans le restaurant, chez mes amis, étant debout ou au lit», dit  Tarantino.

 

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai commencé à penser d’emblée à la couverture et à terroriser mes amis. Les opinions différaient. Les uns disaient que la couverture devait être de couleurs vives et absolument rouge, les autres étaient pour la couleur pastel, les troisièmes prétendaient qu’elle devait exprimer au maximum le contenu du livre, les quatrièmes, au contraire, affirmaient que la couverture décide de tout et son rôle majeur est d’attirer l’attention des lecteurs. Je ne vais pas énumérer tous les conseils. Toute opinion était importante pour moi. J’ai tout noté, analysé, me tourmentais jusqu’au moment quand Tania Lébédéva avait coupé mes souffrences, en m’envoyant quelques couvertures au choix qui se pavanent maintenant ici. C’était un cadeau super. C’est comme ça que mes amis plaisentent et c’est précisément telles plaisenteries sont du goût de notre compagnie. Je me suis calmée tout de suite en laissant tranquille la couverture et j’ai recommencé à travailler.

 

L’été a passé sous l’influence de Woody Allen, de ses films et de ses scénarios. Ce qui me frappe le plus, certes sauf son talent, c’est sa remarquable capacité de travail. Chaque automne apparaît son nouveau film. Il écrit  de son travail sur les textes : 

 

« Je me lève toujours  de bon matin, je prends mon petit déjeuner et après je travaille. Le plus souvent je travaille seul, mais de temps en temps je cherche quelque coauteur. Je vais dans la chambre de fond ou je prends place dans le salon et je commence à penser. En refléchissant je fais la navette, je monte et descends l’escalier, je me promène sur la terrasse, parfois je descends dans la rue pour  faire un tour de quartier. Après cela je reviens, je prends une douche, puis je descends l’escalier dans le salon et je reprends à penser. Je pense tout le temps. Et à un certain moment, après de longs tourments quelques idées viennent dans ma tête. Les gens qui n’éprouvent pas tout cela, c’est-à-dire la majorité d’entre eux, ne peuvent pas  comprendre le fonctionnemet de l’imagination.

 

Je travaille chaque jour. Et même quand je ne pense pas au scénario, ma subconscience continue à travailler parce que le processus  est mis déjà en marche. Parfois je me dis : « Baste, je suis las, il faut le remettre pour un certain temps et me reposer » . Et je monte l’escalier, je joue de la clarinette, je regarde quelque film et je tente de m’occuper de quelque chose, et même quand je m’efforce à bon escient de ne pas penser ma subconscience continue à filtrer tout ce qui se rapporte au scénario.

 

Quand je commence à écrire, toutes les complexités sont déjà surmontées. Pour moi c’est une fête de se réveiller le matin et de me rappeler qu’aujourd’hui je dois commencer à écrire. Car on peut estimer de ce jour que le travail est fini. Si la plume cherche du papier, cela veut dire que le processus est fini parce que tout le travail pénible est en arrière. De noter tout ce qui est déjà  imaginé est un grand plaisir. »

 

Bien sûr, j’importunais tout le monde. C’était Marina Merzlikina, le rédacteur botanique à qui je téléphonais toutes les cinq minutes (il y avait des jours pareils) en lui posant des questions et ayant reçu la réponse je lui redemendais : « En es-tu sûre ? ». C’était Gala Dégtiarenko  le meilleur metteur en pages du Eksmo qui après une mise en pages prolongée, et des modifications interminables a une intention d’aissayer ses possibilités dans le design de paysage. C’était aussi Marina Latsis qui était fatiguée de me presser et à qui j’envoyais craintivement les lettres avec une question : « Pourquoi je suis toujours en vie ? » en me rappelant une épisode amusante de la vie de Mark  Twain (Quand Mark  Twain  était rédacteur d’un journal il a reçu  une fois par la poste une lettre d’un lecteur avec une annexe d’un poème effroyablement mal fait et intitulé « Pourquoi je suis toujours en vie ? ».  Mark  Twain a publié dans le journal le réponse suivante à l’auteur : « Parce que vous n’avez pas apporté ce poème personnellement dans mon bureau ») Dans mon cas les fautes étaient moins nombreuses que les jours périmés. C’était encore Nathalie Kazimirova, qui a transformé mes projets-brouillons en beaux dessins à l’aquarelle, dans lesquels seulement moi seule qui pouvais me débrouiller, parfois elle-même et maintenant, grâce à elle tous les lecteurs.

 

Une fois par semaine nous avons eu une entrevue avec Nathalie. Nous avons discuté des projets, des couleures, une image en trois dimensions, après Nathalie dessinait (ordinairement la nuit ou bien le samedi) d’abord les lignes après elle couchait des aquoirelles. Ensuite avait lieu encore une délidération. Comme vous l’avez remarqué les plans ne donnent pas de représentation sur des parterres en une certaine saison. Ce n’est pas une partie du schéma de saison mais une image de la parterre. C’est pour cela quelques couleurs sont intensifiées exprès, comme par exemple, dans « Une chambre secrète » où elles ont une vue plus réservée comme dans la « Garde blanche ».

 

Quand le livre a été mis en pages, j’ai compris avec effroi que les photos sont à jeter dans la poubelle. On a pris la décision de remplacer une partie de photos et sur la proposition de Marina Lazis je me suis adressée de nouveau à Serge Karépanov qui a refait non seulement les photos de mes objets mais m’a aidé en plus à trouver les photos manquantes pour le livre. On s’habitue vite aux bonnes choses. Chaque fois je disais que c’est la dernière photo, mais le jour suivant je téléphonais et je demandais de nouvelles photos.

 

En plus, il me semblait intéressant de donner à mes projets des titres différents en établissant de telle manière une union d’association avec quelques réminiscences, événements, plantes etc. Soit le projet  « L’Oiseau de feu », il avait longtemps le titre de travail «Campagne belge. Parterre rouge ». Mais après, ayant lu Kandinsky, j’ai vu le mot « feu », j’ai jeuté un coup d’oeuil sur le projet, qui me rappelait beaucoup l’aile d’un oiseau merveilleux et le parterre était rebaptisé sur-le-champ.

 

L’idée  de « La Forêt  d’érables » m’est venue dans la tête quand je faisais la queue à l’ambassade  de la France. « Le coquillage  coloré » est le résultat de l’influence du « Jardin au clair de la lune » de Dan Pearson à une des expositions de Chelsea. Le nom « Vengeance au gazon » prouve mon inimitié aux grands espaces verts et je suis tout-à-fait solidaire avec Piet Oudolf qui pose une question rhétorique « Qui voulez-vous être dans votre jardin: faucheur d’herbe ou estivant ?»

 

« Le Jardin russe » a été projeté sous l’influence du parc parisien Bercy que j’ai visité pour la première fois en 2003 et à partir de ce temps-là il est devenu une partie intégrante de mon programme. Ce parc me plaît beaucoup. Il y a une multitude de vues et de coins que j’aime faire visiter nos touristes.

 

Les projets « Fenêtres », « Jardin  noyé » c’est la déclaration de mon amour aux myosotis. Le nom de « Printemps  éternel » vient de la chanson de Valéry Obodzinsky  « L’automne frais » est l’envoi à Bressingham. « Le vent rose » est tout simplement un supersouvenir de ce comment nous avions fait  un parterre dans le Parc de la gare fluviale de nord. Les roses ont été volées le jour suivant le plantage. Alors, on peut dire que c’est le vent qui les a emportées, et le nom a un double sens. Mais à quelques choses malheur est bon : les spireas ont apparu et se sont déclarées qu’elles ne sont nullement pires que les roses. « La chambre secrète » est une passion inextinguible pour les miroirs et la couleur pourpre. Le nom « Mister orange » est l’hommage à Tarantino et aux « Reservoir Dogs » et aussi au policier roux dont le rôle a été admirablement joué par Tim Roth.

 

Il est vrai, que mes cours étaient à la base de mon livre. Je l’écrivais par morceaux, en sautant parfois d’une chose sur une autre. Sans descendre dans les détails, il m’est plus simple de faire à la fois  plusieurs affaires. Ma parole, un travail méticuleux et monotone est très difficile, c’est pourquoi je considère la table alphabétique à peu  près  comme une acquisition capitale.

 

Généralement parlant, j’ai aimé écrire au sujet des jardins. Décrire le processus  n’est pas moins intéressant qu’y participer. Etant  un fan absolu du cinéma, j’ai eu une idée de faire un petit essai « Un livre  sur le livre » analogiquement au « Un fim sur le film ». C’est pourquoi je veux présenter quelques participants de cette histoire. Je pense que vous aurez l’intérêt de connaître comment c’était pris en bonne et mauvaise part.   C’était très intéressant pour moi.

 

 

 

Marina Latsis

 

On peut bien s’entendre avec l’auteur si on aime les enfants.

Michael Joseph

 

Triumvirat  est un terme utilisé pour décrire l'alliance de trois personnalités (politiques ou militaires) de poids égaux qui s'unissent pour diriger.

 

 

Le printanier Amsterdam humide, au-dessus des rues étroites duquel  passent rapidement les nuages de plomb bas poussés par les bourrasques qui ne sont tout à fait propres au printemps. Un très petit hôtel (à 5-7 chambres, pas plus), caché au fond des rues étroites où la vie s’arrête le vendredi à six heures pile le soir et  les ouvriers se rendent avec plaisir au week-end chez eux,  à leur     petite patrie : au Eindhoven de football, au Arnhem artistique, au Edda qui sent le foin et le fumier...

 

 

 

 

La chambre est conforme à ce petit hôtel – une surface habitable pas plus grande que le salon de votre jeep et sans commoditées particulières, par contre, elle est exceptionnellement propre avec un balcon français qui donne dans la cour intérieure. Il est très commode d’admirer d’ici des restes des bicyclettes rouillées abandonnées, les toits couverts de roubéroïde et brillants sous la pluie,  où se promènent posément les chats indigènes aux colliers multicolores, soignés et non apeurés.

 

 

Le vin, le fromage et, bien sûr (comment peut-on se passer de lui) le hareng renommé hollandais. Nature morte-triumvirat sur un journal d’hier... Nous sommes trois, nous aussi. Nous avons notre triumvirat : moi, je suis rédacteur, Tatiana est mon auteur et aussi notre tourmenteur – monsieur le manuscrit. Après avoir conclu un pact de non-agression nous nous sommes enfermés dans cette chambre pour une semaine, nous ayant donné la parole de n’en pas sortir sans le livre écrit. Car toutes nos tentatives précédentes à Moscou de  nous maîtriser (plutôt prendre le manuscrit en main) et achever ce qui était déjà commené n’avaient pas de succès. En dévançant, je dis que quand dans une semaine nous sommes revenus dans ce monde, en  prenant pour longtemps en dégoût  le triumvirat : le fromage, le vin et le hareng , le travail fondamental sur le livre a été réellement fait et sa conception, à la fin des fins nous s’était présentée d’une façon claire.

 

Croyez-moi, il y a trop peu d’humains dans ce monde avec qui je me permets volontiers de nous enfermer pour toute une semaine dans les quatres murs. D’ailleurs, qu’est-ce que je dis ! Même une heure tête-à-tête avec quelques uns se métamorphose en un problème considérable et tout cela parce que je crois de bonne foi que 15 minutes est un  délai optimal, suffisant pour que je puisse échanger des informations exhostives et approfondies avec 99 pour 100 personnes.

 

Un supplice inhumain par le triumvirat gastronomique, grassement assaisonné des mots autorisés à l’impression et des mots obscènes, m’a obligée de traiter avec un esprit chicannier  les paroles d’excellent Quentin Crisp qui propose son triumvirat  de la cuisine d’écrivain : «Il y a trois causes  pour devenir écrivain. La première : vous avez besoin d’argent ; la seconde : vous voulez annoncer au monde quelque chose de grave ; la troisième : vous ne savez pas que faire pendant de longues soirées d’hiver ».Il semble que notre cas ne touche aucune catégorie.

 

D’ailleurs, les exceptions n’approuve que la règle. En fait, Tatiana est devenue un auteur parfait ; moi – un rédacteur couci-couci, et le manuscrit... le manuscrit est devenu un livre excellent. Alors, il n’y a plus rien de quoi y parler.

 

P.S. Je voudrais ajouter encore deux mots pour ceux qui ont l’intention de se plonger dans l’immédiat dans le livre de Tatiana pour apprendre à faire des parterres de telle manière comme le fait Tatiana elle même. Elle ne vous a pas dévoilé son secret principal bien que j’aie eu la chance de le deviner et je vais vous le révéler : Tatiana tout bonnement entre en entente directe avec genius loci, qui permet de marier les couleurs avec le site de telle manière que dans cette harmonie vous n’entenderez jamais même pas une note fausse.Il faut croire qu’elle a avec les fleurs et le génie leur triumvirat.

 

 

 

 

 

Marina Merzlikina

 

Le parcours de la formation de ce livre était prolongé et épineux. Maintenant je perçois ce livre comme un enfant adoptif avec une affection et un peu de jalousie. J’aurais écrit mon livre d’une autre manière, mais je n’en ai pas encore, c´est pourquoi je cherchais à faire celui - ci  comme le font des autres, pas pis.

 

La correction botanique du texte était faite par morceaux, quand l’intention de l’auteur ne m’était pas complètement claire, et moi, méticuleusement, comme un vrai bachoteur, je corrigeais la botanique. Et voilà un paradoxe : quand  avant la mise sous presse il fallait donner au livre un dernier vernis superficiel j’ai compris que nous y cherchions la petite bête. Le livre touchait le problème plus large que le jardinage. C’était un  essai d’un jardinier sur le style de sa vie avec des pensées aux plantes. C’était un livre sincère et brillant qui s’approche des belles lettres. Une telle définition ne diminue l’importance de la valeur de ses  avis pratiques et justifie encore une fois ce que le jardinage est un sort des personnes non ordinaires et braves dont l’auteur fait partie.

 

L’expérimentation dans le jardin peut être considérée comme tout à fait inoffensive et en même temps capable de donner le plaisir de création. Alors je perçois cet ouvrage comme un appel à créer sans avoir peur de se tromper, et, en plus, ce livre contient en soi une provision de courage ce qui est prouvé par la méthode expérimentale.

 

 

 

Ksenia Shumeiko

 

Quant à moi, le design de paysages et tout ce qui est y lié ce n’est pas mon dada. Pourtant il m’est arrivé une fois de passer 8 jours en France en compagnie des  «jardiniers obsédés». Tatiana avec son livre était à la tête de ce groupe. Primo, elle est l’organisatrice, secundo, elle est aussi la première d’après son obsession... avec son livre.

 

Ainsi nous avons parcouru des jardins l’un après l’autre en une bande peu nombreuse, tapageuse, l’un avec un appareil photographique, un autre avec un bloc-notes, et Tania avec une très grosse pile de papiers imprimés. Je ne savais pas ce qu’il y avait, pourtant j’ai noté à part moi le fait même. Il s’est trouvé que c’était un livre qui était une partie intégrante d’elle même, comme une part de son corps, comme un bras ou une jambe. On pouvait relever leur interaction permanente – dans l´auto, dans les jardins, dans les châteaux, partout. Soit le livre demandait des compléments et de l’attention, soit Tania s’y adressait  pour préciser quelque idée. En gros, j’ai compris que le processus de leur communication ne cesse jamais.

 

Et le livre a eu de la chance. Il est créé par une personne obsédée par son affaire. Rien ne persuade ni n’entousiasme aussi  bien que la sincérité, la persévérance et l’abnégation complète. Ce ne sont que des personnes fortes qui peuvent vivre de telle manière. Et en plus elles savenet parler tout simplement de choses compliquées, intéresser des personnes indifférentes et même partager leur enthousiasme. C’est approuvé par mon expérience à moi-même.

 

La France est restée en septembre, et je suis restée amie avec Tania et son livre jusqu’à ce jour.Tout processus de création est beau (ne fût-ce des livres ou des enfants), et plusieurs auteurs marquaient qu’à une certaine étape leurs personnages deviennent indépendants, ils définissent leur destin eux-mêmes, c’est-à-dire ils deviennent les coauteurs. J’envie bonassement le lecteur qui verra pour la première fois les personnages renés de ce livre et je convoite faire des connaissances pareilles le plus souvent possible.

 

 

 

 

Tatiana Lebedeva

 

On pensait que cela ne finirait jamais. Il semblait qu’elle se moquait de nous tous. Marina Latsis la persuadait, Marina Merzlikina la corrigeait, Galia Degtiarenko mettait en pages de nouveau, Nathalie Kazimirova  dessinait toutes les nuits, quant à moi, je la faisais, comme je pouvais, entendre raison : «Tania, sois sage, cesse de les tourmenter. Tous les délais raisonnables sont expirés.  Prends, prends, prends ton courage à deux mains !»  Elle répondait :- « D’ac ! » et disparaissait.

 

Nous avons discuté tout cela avec Marina et prononcé un arrêt régulier à sa nonchalance.

  -  Ecoute, tu ne trouves pas qu’elle se conduit déjà comme un génie reconnu ?

  -  Sans aucun doute !

  -  Et pourtant personne n’a encore vu sa création !

  -  Mais elle se moque  de tous, c’est sûr !

  -  C’est ça !

Et le matin on recommençait à la tirailler.

 

A vrai dire, j’avais dans cette histoire un rôle très agréable. Je n’avais aucune obligation, mais toutes mes amies proches ont été touchées de ces événements. C’est pour ça que je n’étais pas indifférente.

 

J’étais “ le spectateur agité » de la pièce, celui qui saute sur la scène quand son héros préféré se trouve en danger. Dans mon cas il y en avait plusieurs : le livre de Tatiana (on ne pouvait pas ne pas l’aimer, car il naissait à nos yeux), notre amitié, enfin, ma sérénité... Et je montais réellement sur les planches en assumant le rôle d’un acteur d’arrière-plan, invisible, mais très important et je corrigeais à peine  le train de la pièce pour ne pas faire souffrir aucun de mes chers amis.

 

Parfois les partenaires de cette pièce descendaient de la scène et s’approchaient de moi pour « verser » en chuchotant hautement le texte qui ne pouvait être prononcé sur la scène : «  Si je savais combien de temps ça pourrait prendre, je ne m’y prendrais JAMAIS ! ».. « Je ne peux plus, à quoi pense-t-elle ? » « Elle n’a rien présenté, j’en ai ras le bol !!! ».  Parfois  pendant la nuit Tatiana faisait l’irruption chez moi par un coup de téléphone avec des questions tout à fait inattendues : « Dis vite, comment faut-il écrire le mot existentiel ? » ou encore « Qu’est-ce que c’est que  triumvirat 

 

Il semble, que nous avons parlé la plus grande partie de ces deux ans plutôt du cinéma et de la cuisine... et les problèmes des souppes et de Bergman étaient plus importants. Bien sûr tout le monde savait que le livre était en état de création et ce processus passait tout juste à ce moment-là. Et le temps de sa parution  a été remis encore à une demi-année.

 

On organisait des soirées de jeunes filles, quand toutes abandonnaient le travail et la famille pour deux jours et venaient à ma maison de campagne. L’ été enfumé de 2010 nous nous enfoncions jusqu’au cous dans la pissine une coupe de champagne rosé à la main et nous parlions, parlions beaucoup.

 

Une paire de mélodrames, un bon dîner, encore du champagne et à la fin de la deuxième journée apparaissait l’illumination. Nous  formulions quelque sentence philosophique, une commune vérité impeccable au sujet cardinal – notre sort difficile de femme.

 

Et puis on se quittait pour en état éreinté trouver le temps de   rappeler  l’une l’autre :

  -  Ça va? Tu écris toujours?

  -  J’écris, j’écris.

 

Et la vie passait vite. Nous toutes, nous travaillions bien fort, nous  nous occupions de nos familles et de nos enfants, nous étions malades, nous voyageions, nous avions de nouveaux béguins, mais tout le monde attendait le livre étant certain que Tatiana avait quoi dire, qu’elle le ferait. Il n’y avait qu’une question : Quand ?

 

On saturait le livre de tout en quoi chacune de nous était riche : sagesse, expérience, connaissances, ironie, conseils. De temps en temps il nous semblait que nous avions plus besoin de ce livre que Tatiana. Le temps de la parution du livre était toujours reporté.

 

Et puis elle a éclaté et nous ne savions pas comment l’arrêter. Tatiana écrivait à n’en plus finir et commença à corriger tout le livre dès le début. Personne ne s’y attendait et il fallait l’arrêter. Il fallait recourir à une nouvelle argumentation. « Le livre doit paraître vers le nouvel an », disait Marina. Je l’approuvais aussitôt. « Edition de luxe. La couverture avec un dessin aux couleurs vives. Alors, vas-y ! » Mais en réponse à tout cela,Tatiana a décidé de réviser toute la série des photos du livre et d’apporter des modifications dans sa maquette.

 

Oh la-la! Ça ne finira jamais ! Tout le monde bougonnait déjà l’un contre un autre et j’entendais notre amitié qui fracassait. Des problèmes réels couvaient. Le théâtre a commencé à se prélasser en morceaux, les acteurs ont cessé de s’entendre. !

 

Alors Marina a joué sa dernière carte – quelque chose d’invraisemblable, un procédé défendu , ce qui devait, de son point de vue, soit parfaire le livre soit gâcher les relations à jamais, bien qu’ à ce moment-là tout le monde soit presque indifférent au final, car il avait été remis tant de fois.

 

On a entendu dire: « Le livre ne paraîtra pas ! L’édition  a pris la décision de refuser l’avant-projet. ».Une petite pause a suivi et Tatiana, quand même... continuait son travail du même train. L´enfant terrible n’allait pas trahir ses principes.

 

Ainsi le livre a été achevé à la fin des fins. Enfin tous les mots et toutes les paroles se sont réunis ensemble et nous tous étions fourbues. Maintenant tout est bien, le livre est là. Et même c’est  vraiment dommage que le temps de ce livre soit fini.. Mais quelque chose me dit que ce n’est pas la fin.

 

 

 

 

Serge Karepanov

 

Comment j’ai fait la connaissance de Tatiana Koysman? A vrai dire, j’ai entendu parler il y a  longtemps d’une organisation énigmatique dans l’auréole de mystère sous le nom de « Gertrude ». Ce nom m’émotionne comme n’importe quel amateur des jardins. Un jour, au seuil de ma carrière de photographe j’ai  donné un coup de téléphone à cette organisation et, en bégayant, j’ai demandé : « Si par hasard vous n’avez pas besoin de... ? »  Une voix sévère de femme m’a coupé net à demi mot : « Non ! Nous n’en avons pas besoin ! ».

 

Quelques années sont écoulées et moi, j’ai grandi dans mon métier. Et voilà, un jour un coup de téléphone a retenti et une agréable voix de femme commença à se faire entendre. Il faut croire que « Gertrude » avait l’oeuil sur mes activités toutes ces années, et quand je suis parvenu à maturité dans ma profession, elle s’est décidée à me téléphoner. Parole d’honneur, le fait même m’a fait plaisir. Tatiana Koysman, et c’était elle même en personne, m’a proposé de photographier ses jardins pour son futur livre.Ainsi notre connaissance  était faite.

 

D’après moi, une personne qui s’occuppe de parterres c’est une femme bien tournée, absolument en robe, rose de visage, à la langue piquante, aux cheveux ébouriffés d’une manière artistique, à la mèche réfractaire au front. Tatiana dans une grande mesure convenait à cette image. Si on pouvait organiser un concours des jardinières, et on mettait en valeur le charme et la bonté de l’âme, Tatiana serait bien sûr « Miss Jardinière » Elle n’avait pas peur de montrer sa faiblesse dans quelques situations, ce qui faisait son jeu. Elle avouait ses fautes et posait parfois des questions naïves, presque comme le font les enfants, quand elle ne comprenait pas quelque chose. Il m’était intéressant de travailler avec elle parce qu’elle savait apprécier de belles photos, bien que nos appréciations ne soient pas souvent les mêmes.

 

Je témoigne les causes du retard de la parution du livre : elle cherchait à choisir la meilleure photo pour chaque page du livre. Les inexactitudes de la réflexion sur les photos des idées qu’elles mettait dans ses parterres n’arrangeait pas Tatiana. Dans les photos choisies elle cherchait à rendre même son humeur, les sensations qu’elles avait eu au moment de la formation de chaque parterre. J’estime tout ça comme le comble de l’approche professionelle à son affaire. Et en plus. Par sa modestie, elle me disait toujours qu’elle n’était pas bachoteur et elle qu’elle était mal calée en inventaire des nominations des plantes, mais sans aucun mémento botanique elle défibissait sans fautes en un instant les noms des herbes et des  fleurs que je photografiais en Angleterre et ne savais pas dans quel fichier les mettre. Personne créatrice, elle était distraite, perdait maintes fois les photos reçues, oubliait leurs noms.

 

Qu’est-ce que je peux dire des parterres de Tatiana?  Mes appréciations peuvent  prétendre d’être objectives parce que je ne suis pas paysagiste  mais photographe de jardin tout simplement, et mon emploi est  «  reportage du jardin » qui est visé à la transmission du vu sur la pellicule, pardon sur un file JPEG. Les quatre dernières années j’ai pris des photos dans plus de 220 jardins européens. Il m’a fallu prendre des photos aussi dans nos jardins, à partir de la datcha d’un oligarque authentique jusqu’au jardin de madame X. La différence essentielle de presque tous nos jardins de ceux de l’Occident est en ce qu’ils sont établis d’après des projets et tracés et non pas poussés et arrivés à maturité comme une serise mûrit  sur une branche. Dans le jardinage un seul projet ne donne pas de bons résultats.En dressant un beau parterre on a besoin de l’intuition, le sens du lieu, de la forme, et de la couleur, le pressentiment du lendemain, et par ça la perception du dynamisme de l’évolution du parterre. Tous ces procédés sont propres sans doute à Tatiana.

 

Il est difficile de définir l’aide que j’ai accordé à la création de ce livre par mes photos, mais j’essayais de le faire de toutes mes forces, plutôt par tous mes appareils et leurs objectifs. Il était  facile de travailler avec Tatiana et j’ai eu la possibilité de réaliser entièrement tout mon potentiel créateur, j’ai su appliquer toute ma maîtrise, accumulée les dernières années.. J’ai aimé bien prendre des photos de ses jardins, lentement, en concevant leur âme. Je cherchais à comprendre l’essentiel de ses parterres et aussi elle-même, car seulement avec la compréension de la jardinière on peut bien comprendre ses jardins. Elle ne dictait pas quoi photographier, en quelle succession, à quel temps, et ce qui est l’essentiel, de quel raccourci et comment entrer dans le cadre de l’objectif. Peut-être m’encourageait-elle par une telle attitude envers moi et traitait avec tact un photographe rétif, ou peut-être qu’elle aimait bien  tout ce que je faisais. Si vous trouvez dans les livres à suivre de Tatiana Koysman les mots : « photographe Serge Karépanov » c’est donc qu’elle est restée sûrement contente de moi. Dans tous les cas j’ai eu un vrai plaisir de travailler et de communiquer avec elle...

 

Pour conclure je veux ajouter quelque chose. Qu’en pensez-vous, laquelle des plus de 250 photos de ce livre est prise par moi pour la plus réussie et qui reflète l’esprit des parterres de Tatiana Koysman ? A coup sûr vous n’avez pas deviné ! C’est une petite photo de Tatiana elle-même  sur la  couverture du livre qui rend le mieux que possible le naturel, la sensualité et le charme de ses parterres.